samedi 3 octobre 2009

Le procès fantastique d’un homme ordinaire

Deux individus se retrouvent enfermés dans une station de métro, la station « Assemblée Nationale ». En travaux. Ou en ruines. Du gris, des tuyaux, des bâches, et les bruits nocturnes, indéchiffrables, des sous-sols de la grande ville. On pourrait avoir froid dans le dos mais la vivacité des échanges entre les deux compères fait rapidement bouillonner l’atmosphère.

Au début, on pense à l’univers de Beckett, à Vladimir et Estragon. Ici les deux personnages n’attendent pas vraiment Dieu mais c’est quand même le Diable qui va apparaître, un diable venu de l’intérieur, un diable socratique qui, par ses questions, fait émerger des vérités qui bousculent le conformisme étriqué de José Miranda. Sous l’impulsion du diable, maître de cérémonie aux multiples visages, l’espace se transforme, les couleurs apparaissent. José Miranda est entraîné dans un voyage. Comme la plupart des voyages, celui-ci sera initiatique. Un procès aura lieu et Miranda sera condamné sans savoir précisément de quoi on l’accuse. Peut-être que son seul crime est d’être né. On pense alors au Joseph K. du Procès de Kafka.

L’Enfer de Dante aussi sera évoqué, un tribunal jugera des accusés dont le délit est de douter, on traversera le bordel « L’œil de Verre » de l’époque de la Commune de Paris, en 1871. José Miranda, auteur dramatique dont la spécialité est le théâtre révolutionnaire, se verra ainsi confronté à ses propres personnages, à ses fictions, à ses illusions, à ses vaines aspirations. Ses certitudes seront mises à rude épreuve.

La nuit dans les sous-sols du métro est peuplée de créatures de rêves et de cauchemars : une Mère Térésa iconoclaste, une armée de fonctionnaires intransigeants, une allégorie de la vérité nommée Angela Bellezza, des prostituées robotisées, un curé sénile… le tout au milieu de citations de Pablo Neruda, de Shakespeare, de Calderon, de Baudelaire, de Fellini… Un univers baroque, un délire d’une grande cohérence, dont Oscar Castro tire les ficelles avec humour et jubilation.
Adel Hakim, metteur en scène et comédien dans La nébuleuse vie de José Miranda